Verso
Graziella Vruna
Le dessin émerge, énigmatique, d’une tension entre le tissu et le fil. Organisée par Les Drapiers, l’exposition des travaux les plus récents de Graziella Vruna donne à voir des pièces d’art textile au sein desquelles la naissance du motif, du contour est l’enjeu même de l’expérience, pour l’artiste comme pour l’observateur.
Deux types de pièces sont exposées. Il y a, d’une part, sept grands panneaux de tissus brodés dont l’organisation pourrait rappeler celle des pages d’un livre. Et, d’autre part, des figures symboliques au fil doré issues d’un travail réalisé in situ dans l’Oratoire San Lorenzo de Palerme.
Les « pages » nous plongent au cœur d’une narration poétique aléatoire. De petites choses du quotidien refont surface au travers d’un embrouillamini de filaments dans lesquels l’œil creuse son chemin. Une échelle de proportions improbable fait tenir, dans un même espace, la silhouette d’un insecte, d’une sculpture, de petits personnages ou encore d’une fleur, d’une pièce de Lego en forme d’animal, d’un gratte-ciel… Sur ces draps eux-mêmes rescapés de rôles révolus, la place allouée au blanc laisse respirer les formes. Des fragments figuratifs — parfois eux-mêmes issus d’images — acquièrent dans ce nouveau contexte une vie autonome. Ils s’offrent au regard comme autant d’éléments insolites d’une proposition narrative ouverte. Libre à chacun de la poursuivre au gré de projections personnelles.
Au jour le jour, cette écriture engage la position du corps. À proximité, le tissu et le fil sont toujours présents. Sur les genoux, dans les bras, sur la table comme une nappe en papier sur laquelle on griffonne en silence après le repas sans trop savoir où l’on va. La « page » ne fait pas l’objet d’une composition préalable. Le tambour à broder se déplace au hasard de l’instant comme une histoire non scénarisée. Un incipit en attente. Au-delà des motifs issus du quotidien, le dialogue du corps avec le fil et le tissu est le quotidien même. Le rituel s’intègre aux gestes du jour avec les outils que celui-ci propose directement : tissu de récupération, fil à coudre (et non fil de broderie), couleurs élémentaires.
Les figures symboliques de l’Oratoire San Lorenzo, quant à elles, sont nées d’une relation avec les sculptures de Giacomo Serpotta (1652-1732). L’artiste palermitain les avaient intégrées dans les parois de stuc réalisées pour conduire le regard vers l’autel au-dessus duquel était accroché une Nativité peinte par Le Caravage en 1609. Ici encore, les travaux de Graziella Vruna sont des images engendrées par d’autres. Fidèle à cette démarche qui s’affermit d’année en année, l’artiste s’affranchit de l’anecdote pour s’approprier les contours rendant à chaque figure l’autonomie d’un objet dégagé d’un contexte particulier. La densité de la bordure, les plis du support confèrent à celui-ci une portée sculpturale qui prend sa valeur au travers du rapport de contrastes entre la légèreté du blanc et la présence de l’or.
Née en 1975, Graziella Vruna vit et travaille à Liège. Elle a fait des études en arts plastiques à l’Académie des Beaux-Arts de Liège. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions individuelles et a été montré dans des expositions collectives. Depuis une quinzaine d’années le textile joue un rôle de plus en plus important dans sa démarche plastique.
Voir à ce sujet : Blanc et Or. Graziella Vruna, catalogue de l’exposition organisée par les Amis des Musées siciliens à l’oratoire San Lorenzo de Palerme du 6 avril au 6 mai 2018 ; commissaire de l’exposition et auteur du texte : Maria Luisa Montaperto. Cette publication est en vente durant toute l’exposition à la galerie Les Drapiers.
Presse
On parle de l’exposition dans Culture L, à partir de 22.20 min.