Paysages intérieurs
Lise Duclaux & Chris Straetling, André Goldberg, Jean-Pierre Ransonnet et Charles-Henry Sommelette
Pour fêter à sa manière la réouverture du Musée La Boverie à Liège et son exposition « Plein air », la galerie Les Drapiers présente l’exposition intitulée « Paysages intérieurs », avec les plasticiens Lise Duclaux & Chris Straetling, André Goldberg, Jean-Pierre Ransonnet et Charles-Henry Sommelette.
Ces quatre univers artistiques, avec des médiums distincts et une sensibilité propre à chacun, interrogent différemment le rapport qui unit le sujet au monde, les définitions a priori, la manière de marquer l’environnement, de s’inscrire en lui. Si le terme « paysage » appelle en principe à une vérité du sujet par sa représentation, à une connaissance objective par l’observation, gravitent aussi autour la dualité entre topos (le lieu en lui-même) et chôra (l’espace ou le lieu qualifié), mais aussi les notions duelles d’intériorité et d’extériorité. Le paysage est un fait de culture, un fait de l’intime aussi.
La galerie propose un parcours à travers des paysages intérieurs, recouvrant chacun un espace d’exposition.
Les grands fusains sur papier de Charles-Henry Sommelette ouvrent sur une certaine dramaturgie, laissant venir l’étrange, un entre-deux à la lisière du visible. C’est précisément le processus de digestion des prises de vues photographiques et de leur retranscription par le dessin qui donnent à percevoir le paysage, comme une trace de présence et d’un agencement dans un territoire réel. Les objets des jardins et leur délimitation inscrivent l’archétype d’une absence, la trace d’une action qui ouvre le champ des possibles.
Lise Duclaux expose la seconde phase d’un projet d’observations et de réflexions, autour d’un terrain pour plantes sauvages et médicinales, réalisé avec l’artiste Chris Straetling et des résidents du Carrosse (foyer de vie pour adultes présentant une déficience mentale). Ce compte-rendu d’expériences conte les questionnements induits par le travail de cartographies, liant des territoires incertains entre la philosophie, les arts et les sciences empiriques. Les mauvaises herbes peuvent être la mise en abyme poétique des oubliés des sociétés, de ce qui apparaît original, déviant aux yeux d’un système.
Cette conception du mot comme potentiel à faire paysage chez Lise Duclaux étire des liens avec la sélection de peintures de Jean-Pierre Ransonnet qui les présente en séquence comme des phrases. Ces dernières établissent une densité picturale qui questionne le pouvoir des agencements de la pensée et du langage sur la matière. La gestuelle spontanée du peintre inscrit, tels les motifs d’un vocabulaire personnel, des formes et des couleurs, réalisant une forme d’immersion dans un environnement.
Les installations vidéo d’André Goldberg puisent leurs références dans le cinéma et la peinture classique. Les ressorts narratifs du paysage dans l’image de fiction sont exploités par une mise en tension de l’évocation d’activités ordinaires et l’absence de protagonistes. Le paysage recouvre une idée de vanité, « le vent l’emportera », le vent traduit la présence et lui survit.
Les Drapiers s’immergent dans ces paysages intérieurs et vous invitent à cette promenade.
Anna Ozanne / Les Drapiers