L’envers du décor
Le site de Montauban, revêtu des parures de l’été, accueille l’exposition L’envers du décor, sous le commissariat de Denise Biernaux et la galerie Les Drapiers, invités par le CACLB. Le rapport particulier du lieu entre la nature et la culture se pose en point de jonction de la réunion des œuvres qui tisse des liens avec ce nouvel environnement.
Le site devient le théâtre de déploiement de sens autour du titre de l’exposition : L’envers du décor. Se déplie alors une série de sujets portés par les œuvres : la chose qu’on ne perçoit pas au premier abord, ce qui est contraire aux représentations communes, ce qui se cache derrière l’évidence trop vite énoncée, les aspects cachés d’une vérité, méandres du tissu social, ressorts véritables d’une situation. L’exposition déstabilise nos interprétations sémantiques constituant le monde. Le projet curatorial réunit différentes démarches artistiques dont les productions se prêtent à la malléabilité des points de vue, à la multiplication des lectures.
Par l’intervention in situ de Nicolas Kozakis, les murs en ruine de l’ancienne forge s’ornent d’un réseau scintillant de métal, réveil d’un faste perdu ou réinvestissement d’une architecture par le sculptural. En écho aux ruines industrielles, son film « Qu’en est-il de notre vie ? », interroge notre rapport au travail dans l’existence. Par un travail des étoffes,
Caroline Fainke mêle « l’envers » à la finesse précieuse des matériaux textiles de la face endroit, comme on relativise une échelle de valeurs, faisant apparaître les deux constituants d’un tout sur une même surface.
Les trophées de chasse de Caroline Andrin invoquent la forêt entourant l’exposition, se donnent au regard comme des figures énigmatiques, entre apparence et véritable nature du matériau qui la constitue.
Une trace vidéo de la performance de Tatiana Bohm en Léopold, bonobo écorché, le sauvage déjouant ce qui arrête le naturel et le culturel et interrogeant l’Histoire.
Billie Mertens et ses alter ego Miel Silbernet et Niels Bertleim investissent le bureau des forges de deux installations de gravures : des papiers peints aux fines fleurs fânées et étranges figures masquant les murs de la maison, une série d’images autour de l’être et du paraître.
Le projet de Nicolas Clément, en collaboration avec Barbara Massart, est un documentaire expérimental, travaillant la matérialité même de la pellicule en même temps qu’il investit les bois d’un imaginaire avec le personnage de Barbara et ses créations textiles.
S’articulent les productions de plasticiens, dont le travail trouve écho dans cette dichotomie de l’endroit et de l’envers, de ce qui est porté immédiatement au regard et ce qui est à questionner au-delà des apparences, de ces deux versants qui constituent toute chose. La galerie d’art contemporain Les Drapiers, avec son accent propre sur les arts textiles, réinterroge ici le rapport du culturel au naturel, ouvrant un espace entre les disciplines plastiques.
Avec les oeuvres de Caroline Andrin / Tatiana Bohm / Nicolas Clément & Barbara Massart / Caroline Fainke / Billie Mertens & Miel Silbernet/ Nicolas Kozakis.
Anna Ozanne
Sous le commissariat de Denise Biernaux